chapitre 118 image
Toute cette nuit, je ne vais pas mentir, j’ai un peu angoissé. L’idée de revoir Jacques le père de Guillaume me fait limite peur. Il avait l’air si froid la dernière fois que je l’ai vu, bon après il faut dire qu’il ne s’attendait sûrement pas à voir une fille chez lui. De plus que Guillaume ne lui avait jamais parlé de moi, je comprends tout à fait sa surprise.  

C’est aujourd’hui le jour J, toute la journée j’essaie de me répéter un peu pour une bonne présentation. J’en ai touché quelques mots à ma mère vite fait, pour avoir quelques conseils, et avis. Ne connaissant pas du tout Jacques, elle me dit de rester tout simplement naturelle, que le reste suivra. J’ai tellement envie de bien faire que je me mets la pression, mais je le fais aussi et surtout pour Guillaume.

Il est à la fois heureux que son père s’intéresse d’un coup à lui, et à son entourage, mais aussi nerveux. Il en a également parlé à sa mère, qui elle aussi, est assez surprise qu’il s’intéresse à la vie sociale de son fils, il faut le dire.

La dernière sonnerie de la journée annonce la fin des cours, et le début de ce qui me semble être un tourment pour moi. Je rejoins nos amis et mon chéri à la grille, j’ai presque envie d’inventer une fausse excuse pour ne plus aller voir Jacques. Mais je ferais sûrement de la peine à Guillaume, et son père ne me verrait sans doute pas d’un bon œil pour la suite.

Guillaume : tout va bien ? Tu es prête ?
Moi : hum, non, et euh, non
Guillaume : ahaha ne t’inquiète pas mon cœur, tout ira bien, tu verras
Moi : rigole bien ouais, toi aussi tu étais un peu nerveux à l’idée de parler avec ma mère la première fois
Guillaume : c’est vrai, mais aujourd’hui c’est un plaisir
Moi : je ne suis pas sûre que ça se passe aussi bien avec ton père
Guillaume : en tout cas, j’essai de me convaincre que ça va bien se passer
Moi : ah ba tu me rassures encore plus là

Nous rions tous les deux, et ça me fait du bien, vu mon état, puis nous saluons nos amis pour partir. Sur le chemin, Guillaume me dit combien son père lui avait semblé différent ces derniers jours. A lui poser des questions sur ses amis, sur l’école, pour enfin en venir à mon sujet.

Lors de notre première rencontre, Jacques a pu constater que je n’étais pas très à l’aise. Guillaume lui a longuement expliqué alors que je suis timide et peu sociable depuis toute petite. Il ne voulait pas je pense me mettre dans l’embarra, mais c’est ce qui est arrivé, ma timidité et sa personnalité quasi rigide n’ont pas vraiment matché.

C’est pourquoi il voudrait aujourd’hui, selon Guillaume, me revoir à nouveau, pour ainsi mieux nous présenter. Tout cela est bien joli, j’entends bien, mais ce n’est pas pour autant que je suis rassurée. Au contraire, nous approchons de l’appartement, et mon cœur ne fait que raisonner de plus en plus fort dans ma poitrine.

Nous entrons dans le hall, montons les escaliers, où je ralentis considérablement ma vitesse. Je ne lâche plus des yeux cette porte, vers laquelle je me rapproche, tandis que je ressens mes mains devenir moites.

Guillaume ouvre cette immense porte, la lumière présente dans l’appartement m’aveugle pratiquement avant que je ne retrouve la vue, pour voir devant moi, Jacques debout. En le voyant ainsi, je n’ai pas pu changer mon idée déjà toute faite sur lui. De plus en le voyant de nouveau, je remarque certains détails auxquels je n’avais pas fait attention la première fois. Il est plutôt grand, imposant, les épaules larges, et sa posture droite, rigide, comme un militaire. Sur le coup, en le regardant, je suis prise de peur, puis je baisse les yeux, en essayant de lui dire bonjour.

D’un pas en avant, il réduit l’écart qui nous séparés pour se retrouver qu’à quelques centimètres de moi. Là, je crois bien que mon cœur a cessé de battre, je ne sais plus vraiment où me mettre puis une voix grave raisonne dans la pièce.
Cette voix me glace le sang, me foudroie complètement, tellement elle est impressionnante par sa force.

Jacques : Bonjour Julia, entre je t’en prie, allons nous installer dans le salon
Moi : B…bonjour, oui
Jacques : Guillaume, va dans la cuisine, et emmène nous de quoi boire
Guillaume : oui papa

Les yeux baissés, je regarde en coin mon chéri disparaître dans la cuisine avant de sentir une main sur mon épaule. Je n’ose plus bouger, bien qu’il m’ait invité à le suivre dans le salon. Mais au contact de sa main, mon corps ne peut qu’avancer, comme si son geste avait une force inconnue.

Jacques s’installe dans le canapé, désignant d’un geste la place à laquelle il souhaite que je m’assoie. Je prends place donc juste à ses côtés sur le grand canapé, en attendant que Guillaume nous rejoigne, puis il me demande comment s’est passé ma journée.

De si près, sa voix grave me paraît encore plus impressionnante que tout à l’heure. Je tente de me sortir au plus vite de mes pensées, pour ne pas être impolie. Je respire un grand coup avant de lui répondre comme je peux. Je ne sais même pas si mes mots sont sortis dans le bon ordre, si ma phrase voulait dire quelque chose.

Au même moment, Guillaume arrive avec les boissons et les verres sur un plateau. Il me sert un grand verre de jus, tandis que Jacques se lève pour se servir un verre d’alcool présent sur le petit meuble non loin.

Je tente de regarder mon chéri, voir comment il est lui, essayer d’avoir un repaire. C’est peine perdu, lorsque Jacques se rassoit à mes côtés, je n’ai que pour reflexe de boire mon verre en entier, et d’une traite.
Jacques : hey bien, tu avais soif, Guillaume, ressers-la
 
Franchement, je crois que j’aurais mieux fait d’inventer une fausse excuse pour ne pas venir. Je suis encore moins à l’aise que la première fois, et pourtant, je m’y suis préparée à cette rencontre. Je reste assise, les poings fermés sur mes cuisses.

Jacques : alors dis moi Julia, tu as quel âge ?
Moi : euh, j’ai…
Guillaume : hum, elle a quinz...
Jacques : fils, c’est à Julia que je pose la question, elle est assez grande pour me répondre

A ce moment là, je levais les yeux vers Guillaume, le ton de la voix pris par Jacques, avait l’air si autoritaire que je me suis sentie vraiment mal pour mon chéri. Moi qui voulais que cette rencontre lui fasse plaisir, je me rendais compte que c’était loin d’être le cas, et que cela était en partie ma faute.

Je dois arrêter d’avoir peur, j’ai choisi d’être là, alors à moi de répondre…

Moi : j’ai quinze ans et demi Monsieur
Jacques : Oh, tu es encore très jeune, Guillaume en a bientôt seize
Moi : j’en aurais seize au mois de septembre Monsieur
Jacques : d’accord, mais tu peux m’appeler Jacques

A partir de là, je répondais à toutes ses questions, essayant de faire bonne figure. Bien que j’arrive à lui répondre, je ne suis pas pour autant plus à l’aise que ça. De son côté, Guillaume est resté silencieux, assis dans le fauteuil d’en face.

Il m’a posé des questions sur ma famille, ayant eu un père absent de mon enfance, et n’en sachant pas plus, le sujet est très vite venu sur ma mère. Puis nous avons parlés de ma timidité, de ce que j’ai traversé, et comment ma mère m’a aidé, soutenue, durant toutes ces années, à m’élever seule.

Jacques m’a aussi parlé de lui, de ce qu’il aimé dans la vie, ses loisirs, me demandant par la même occasion les miens. Egalement sa rencontre avec son ex femme, la mère de Guillaume, leur histoire, ainsi que la fin.

Nous avons également parlés des choix d’étude, ce qui a été un sujet plutôt houleux, puisque Jacques n’est pas d’accord avec les choix de son fils, concernant l’escalade. Puis en me voyant baisser la tête, il s’est repris, se disant que si c’est que souhaite vraiment son fils, alors il le laisserait faire.

Voilà à peine une heure que nous sommes là à parler, mais le temps me paraît encore plus lent. Heureusement que Jacques écourte cette rencontre, il doit s’en aller pour je ne sais quelle raison. Il m’invite à revenir quand je veux ici, que je suis la bienvenue, à condition que je respecte le fait de ne pas entrer dans son bureau.

Il est selon lui, assez maniaque, et n’aime pas que quelqu’un puisse toucher à ses affaires. Je peux tout à fait comprendre, alors je lui dis qu’il n’y aura pas de soucis de ce côté-là. Avant de nous quitter, il pose sa main sur la mienne, me disant que c’était un plaisir de me revoir, et qu’il espère en avoir de nouveau l’occasion.

J’aimerais lui répondre la même chose, mais mon malaise m’en empêche, je ne peux que lui sourire à ce moment là. Il se lève alors, me souhaite un bon retour chez moi, une bonne soirée, avant de prendre ses clés et de disparaître par la porte.

Dès qu’il est parti, je me suis mise à respirer, souffler, sentir de nouveau mon sang circuler dans mes veines. J’aimerais croire que le problème vient de moi, que ma timidité m’empêche d’être à l’aise avec les gens, mais je ne crois pas que ce soit le cas là.

Même Guillaume n’était pas tranquille durant toute cette rencontre. D’ailleurs en se levant, il est venu m’enlacer, en me disant qu’il était désolé pour tout ça.

Je le rassure tant bien que mal, je voulais aussi avant tout lui faire plaisir, mais il se rend compte que ce n’était pas une si bonne idée que ça. Que même si son père faisait tous les efforts du monde pour changer, ça ne marcherait pas.

Je n’arrive pas à croire que je puisse être aussi soulagé après le départ d’une personne, ça ne m’était jamais arrivé, du moins pas de cette intensité là. Je crois que j’ai besoin de rentrer chez moi, Guillaume le voit très bien, alors sans plus tarder, il me raccompagne en bas.

M’embrasse tendrement, avant de me remercier pour l’effort que j’ai pu faire en venant ici. Puis je suis partie, en repensant à tout ça durant mon trajet. Ce n’est que lorsque j’arrive enfin chez moi que je me sens mieux, mais je me dis que je me sentirais encore plus en sécurité, lorsque ma mère sera rentrer de sa Zumba…
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